Nouveau droit de la preuve

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Du changement pour vos entreprises depuis début novembre…

Vous avez sans doute déjà lu, ou entendu parler de la liberté de la preuve en matière commerciale. Par contre, vous ne savez peut-être pas que les choses ont changé depuis le 1er novembre dernier.

Et si on faisait le tour de la question pour savoir ce que cela signifie exactement et, également, ce qui vient donc récemment de changer…

Clients professionnels
Tout d’abord, il nous faut distinguer les contrats que vous souscrivez avec des professionnels et ceux conclus avec des consommateurs. Avec des clients professionnels, la preuve est libre et peut dès lors être fournie de n’importe quelle manière. Vous pouvez par exemple imprimer un mail, utiliser une discussion, vous référer à un sms… Aussi étonnant que cela puisse paraître à certains, un tel ‘document’ pourra donc être utilisé comme moyen de preuve si l’expéditeur et le contenu sont clairement identifiés.

Clients privés
Ce qui n’est pas aussi simple avec des clients privés. Ici, deux cas de figure sont possibles. Votre client est un consommateur lambda, ce qui rend la preuve libre lorsqu’il s’agit d’un contrat d’une valeur inférieure ou égale à 3.500 euros. Ou alors, le contrat porte sur une valeur supérieure à la somme dont nous venons de parler… ce qui suppose que la preuve doit être rapportée par un écrit signé. Dans ce cas, l’accord transmis par courrier ou par sms ne vaudra qu’en tant que début de preuve !

LE CONSEIL DE NOTRE JURISTE

  • Si vous êtes face à un consommateur et que le contrat a une valeur supérieure à 3.500 euros, réservez-vous toujours un document écrit. Vous pouvez, par exemple, demander une confirmation de la commande avec une signature manuscrite, ou une signature électronique mais authentifiée (via système EID, notamment). Si ce n’est pas possible, vous pouvez également faire signer un document au moment de la livraison ou lors de la première prestation chez le client.

Impact(s) pour votre entreprise…
En pratique, vous vous demandez sans doute quel impact ce régime peut avoir pour votre entreprise et, surtout, quelle est la force probante de vos factures ? Une interrogation légitime dans votre chef qui nous amène à vous répondre de façon claire et précise. En effet, il appert que, depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de la preuve, une facture qui n’a pas été contestée par une entreprise dans un délai raisonnable est considérée, d’une part, comme une facture acceptée et, d’autre part, comme une preuve contre l’entreprise qui l’a émise. Notons, en outre, que la preuve de l’acceptation de la facture ne doit pas être fournie. Il faut également savoir qu’une présomption légale existe, selon laquelle une facture acceptée ou non contestée dans un délai raisonnable correspond au contenu supposé de la convention. Certes, il nous faut quand même stipuler que la preuve du contraire est quand même possible…

LE CONSEIL DE NOTRE JURISTE

  • Lorsque vous recevez une facture qui vous interpelle, contestez-la sans attendre. L’important est de s’y atteler par écrit dans le « délai raisonnable », en se rappelant que les explications et raisons juridiques qui justifient cette contestation pourront être adressées par après.
  • Vous pouvez également prévoir dans vos conditions générales de vente que le défaut de contestation d’une facture par une entreprise, dans un certain délai, fait présumer de l’acceptation (attention que ceci est interdit à l’encontre des consommateurs).

Contestation(s)
La question sous-jacente est à ce moment de savoir ce qu’il advient si un consommateur ne conteste pas votre facture dans un délai raisonnable… Ici, nous dirons que le silence face à la réception d’une facture ne peut pas être considéré comme une acceptation de cette dernière et constituera (seulement) un début de preuve. On ajoutera que seul un silence ‘circonstancié’ pourrait être considéré comme une acceptation, par exemple dans le cas où le consommateur ne donne aucune suite à plusieurs rappels.

Preuves
Le texte légal stipule cependant que la comptabilité a une force de preuve légale depuis le 1er novembre. Ce qui pousse certains d’entre vous à s’interroger sur l’utilisation de la comptabilité de l’entreprise comme moyen de preuve. Précisons-le, une telle comptabilité devra désormais obligatoirement être acceptée comme preuve devant un Tribunal. Mais, pour ce faire, il est nécessaire que les documents comptables de l’entreprise contre qui on les invoque… concordent. Soyez aussi attentif au fait que votre propre comptabilité pourrait, le cas échéant, servir de preuve contre vous !

Que dit le juge ?
Maintenant, que dit le juge et, surtout, que se passe-t-il devant sa juridiction si l’application des règles normales est manifestement déraisonnable ? En l’espèce, nous relèverons que les parties à un procès doivent rapporter la preuve de ce qu’elles avancent. Elles doivent donc collaborer à la charge de la preuve de bonne foi. Ce qui explique que, dans des circonstances exceptionnelles justement, le juge pourra déterminer qui assumera la charge de la preuve si l’application des règles normales est manifestement déraisonnable.

En collaboration avec Justine Golinvaux, Avocat – LIBRA’DROIT – Avocats, Conseils et Médiateurs